« Qui peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? […] Qui a découvert ce qui est dans les Cieux ? Qui aurait connu Sa volonté si cela ne lui avait été donné ? ». Qui, qui, qui ?... L’homme est fondamentalement un homme de questions, un homme en interrogation, en recherche. Manière de dire que ce qu’il est, ce qu’il vit ne le satisfait pas complètement, qu’il croit à un sens, à une vérité qu’il n’a pas et qui ne peuvent pas ne pas être. Ces interrogations, que le Livre de la Sagesse met sur les lèvres de Salomon, s’adressent à Dieu, au Seigneur, au Ciel, manière de dire que l’homme croit en quelqu’un qui peut répondre, qui peut lui apporter ce qu’il n’a pas, combler l’attente qui le fragilise. L’homme, donc, un être de désir, être de recherche, toujours curieux, en marche, en attente, et en attente de Celui qui pourra lui répondre, lui donner ce qu’il n’a pas.
Les foules qui suivent Jésus ne le font-elles pas parce qu’elles perçoivent qu’Il est peut-être celui-là, cet homme-là ? Et nous qui sommes ici, nous venons d’entendre, d’écouter ensemble ce que nous croyons être la Parole de Dieu. Nous savons qu’Il est bien celui-là ! Quelle réponse trouvons-nous sur ses lèvres ? Que nous dit-Il ? « Quel est celui d’entre vous qui… ? », « Quel est le roi qui… ? ». Sa réponse est une question, une interrogation, une interrogation qui nous invite à peser, à évaluer avec prudence, avec toute la prévoyance dont nous sommes capables, les forces dont nous disposons pour obtenir ce que nous désirons, pour voir si nous avons les moyens d’aller jusqu’au bout de ce que nous souhaitons qu’il nous advienne, de ce que nous souhaitons entreprendre…
Cette suite du Christ, à laquelle sa Parole nous invite, ne peut-être authentique, ne peut-être vraie, que si nous gardons la capacité de poser des questions, de nous interroger, ce qui veut dire ne rien considérer comme acquis ! Notre suite du Christ ne sera authentique que si nous savons nous laisser sans cesse interroger sur nos propres capacités, sur nos propres évidences, que si nous savons, quelle que soit la force de nos convictions, rester humbles, ouverts à autre chose, à quelqu’un d’autre, aux autres quels qu’ils soient ! Notre frère Anselme, que nous avons enterré hier, avait cette capacité qui faisait de lui un être à la fois profondément convaincu et respectueux, respectueux justement parce que ouvert, fraternel, amical, accessible, disponible à tout et à chacun !
Les foules nombreuses, faut-il dire trop nombreuses, qui Le suivent et se lancent à sa suite, amènent Jésus à préciser, à clarifier et peut-être à exagérer pour ne pas risquer de ne pas être compris, entendu de là où Il parle, pour éviter ou diminuer la confusion, l’illusion : « Si quelqu’un vient à Moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et se sœurs et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple ! ». En cela, Il annonce clairement qu’Il est, Lui, au-delà de cette préférence que constitue pour nous, habituellement et normalement, la famille. Et si cette préférence qu’Il demande aux liens familiaux ne suffit pas, voilà qu’Il parle de la croix à prendre, ce qui ne peut qu’inquiéter, faire hésiter, faire s’interroger, demander « Oui, mais quoi ? ». Les exigences de Jésus invitent chacun à s’asseoir pour réfléchir avant de décider, pour s’interroger sur son propre désir, pour en mesurer les exigences, manière de dire : « Vous n’êtes en rien forcés, vous êtes libres ! Mais attention, de toute manière ce sera difficile ! », ce que Saint Benoît demande et dit au novice avant qu’il ne s’engage en lui présentant la règle, ce que tout engagement demande pour être valide !
C’est, en effet, cette liberté qui nous permet de vaincre les difficultés de nos choix et de ne pas nous laisser vaincre par elles ! C’est cette liberté qui a permis à Mère Theresa d’aller jusqu’au bout bien que la joie ait, toute la fin de sa vie, déserté son âme comme l’indiquait ce je ne sais quoi sur son visage que n’effleurait plus que l’ombre d’un sourire… C’est cette liberté que nous fait demander l’oraison d’aujourd’hui, cette liberté qui, ne se laissant arrêter ni par les obstacles, ni par les difficultés, est, avec l’aide de l’Esprit Saint, le travail de Dieu en l’homme pour le sanctifier, pour faire de lui un saint !
Dieu, qui as envoyé ton Fils pour nous sauver et pour faire de nous des enfants d’adoption, regarde avec bonté ceux que Tu aimes comme un Père. Puisque nous avons cru au Christ, accorde-nous la vraie Liberté et la Vie Eternelle, Amen.
Fr. Thierry
Abbaye Saint Benoît d'En Calcat - 81110 DOURGNE