La Parole de Dieu que nous venons d'entendre à travers les lectures de ce dimanche semble bien percutante voire provocatrice pour notre temps présent qu’il ne conviendrait cependant pas de noircir systématiquement malgré une actualité inquiétante. Nous y voyons ainsi le prophète Amos rugir véritablement contre d’insupportables injustices et dans l’Évangile, Jésus semble bien faire référence à une affaire douteuse où gagnent les malhonnêtes, et malgré tout saint Paul invite envers et contre tout à prier pour les dirigeants, chefs d’état et autres responsables dont certains peuvent inquiéter légitimement alors que d’autres savent prendre de justes et courageuses décisions plus que positives. Pensons en son temps à un Gandhi, à un Nelson Mandela ou plus familier pour nous, à un Robert Schumann. Mais il faut aller plus loin qu'une lecture événementielle de cette page d’Évangile si particulière. Aujourd’hui, il ne s’agit donc pas d’une de ces paraboles si familières dans lesquelles les auditeurs seraient invités à s’identifier à l’un des personnages et où Dieu y serait présent dans la personne d’un roi, d’un berger, d’un maître de maison. Non, ici, ni l’homme riche, ni le gérant ne sauraient être donnés en exemple par Jésus qui a peut-être dû faire référence à une affaire de son époque connue de son auditoire. L’homme riche et le gérant appartiennent en fait au même monde, partagent les mêmes valeurs et c’est en connaisseur que le riche floué reconnaît avec envie l’habileté du gérant corrompu. Oui, ils suivent le même esprit du monde que notre pape François appelle l’anti-Règne, et c’est alors là qu’il faut comprendre comme un dépit de la part de Jésus regrettant qu'en leur système clos qui les asservi, les fils de ce monde soient autrement plus habiles que les fils de lumière risquant peut-être un peu trop d’être de gentils garçons attendant béatement que tout se fasse tout seul, que le Règne vienne presque sans eux. Claudel a des paroles percutantes à ce sujet en parlant de ces gens qui ne se salissent jamais les mains parce qu’ils n’ont pas de mains où qui croient aimer Dieu en n’aimant personne.
Oui, la venue du Royaume ne s’inscrit pas forcement dans une passivité bienheureuse mais il n’advient pas non plus par nos seules et uniques forces pour des lendemains qui ne chantent pas toujours. La venue de ce Royaume est d’abord accueil, et notamment accueil de ces dons et autres talents en nous que nous avons toujours à découvrir et à faire fructifier mais selon la sagesse de l’Évangile, notez le bien aujourd'hui, pour se faire des amis dans les demeures éternelles ou plutôt, selon la traduction exacte ‘dans les tentes éternelles’, expression qui suggérerait alors le contraire d’un immobilisme stérile et qui fait voir plus loin que ce monde. Oui, les fils de lumière que nous sommes tous appelés à être car personne n’est prédestiné à n’être que fils de ce monde, les fils de Lumière ont donc à faire preuve de quelques dynamismes inventifs pour participer déjà au dynamisme de la vie Trinitaire. Et ce dynamisme, cet élan ne saurait être vécu qu’avec un cœur simple et sage comme le dit ailleurs l’Écriture, pas avec un cœur double comme le dit Ben Sirah le sage, pas avec un cœur partagé et duplice, complice du mensonge comme il est dit au psaume 12, pas avec un cœur divisé par le satan diviseur qui épuise les forces. Bref, Jésus le rappelle vigoureusement, personne ne peut servir deux maîtres ! Un choix s’imposera alors : Mammon ou Jésus. Mammon, un mot qui veut dire tout simplement richesse en araméen mais que Jésus personnifie comme une idole asservissant le monde. Jésus dont le nom signifie Sauveur, Jésus le ressuscité qui nous appelle par seul amour à quitter nos tombeaux et autres servitudes pour entrer déjà et activement, non sans inventivité, dans la vie éternelle déjà là. « Je te propose, est-il écrit dans le Livre du Deutéronome, la vie ou la mort. Choisis donc la vie ! » Que tout cela inspire alors quelque peu les dirigeants et autres décideurs à tous niveaux en ce monde que nous avons à aimer sans cependant suivre l’esprit du monde. Monde où nous avons à aimer, mais avec un cœur plus unifié, toujours mieux guéri notamment de nos blessures de confiance qui sont souvent les plus douloureuses, bref, où nous avons à vivre en fils de lumière qui, comme le suggère saint Benoît, à mesure qu’ils avancent dans la vie, dans la foi, voient leur cœur se dilater et ils se mettent alors à courir dans la voie des commandements de Dieu qui ne peuvent que mener, vécus dans l’amour, qu’à la Vie, qu’au Royaume de vie trinitaire. Facile à dire !
fr.Philippe-Joseph
Abbaye Saint Benoît d'En Calcat - 81110 DOURGNE