Frères et sœurs, avez-vous déjà douté dans votre vie ? Douté de quelqu’un, douté d’avoir la foi, de croire en Dieu et en son amour, de croire que Jésus peut vous sauver ? C’est un peu cela qu’a vécu Jean le Baptiste, à propos de l’identité de Jésus. Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? Jean le Précurseur, qui est bien plus qu’un prophète, celui dont le Christ a dit qu’il était le plus grand parmi les hommes, se demande du fond de sa prison si Jésus est bien celui qui doit venir, expression qui désigne le Messie. Cela devrait nous aider à traverser nos propres périodes de doutes et de questionnements, surtout quand nous sommes dans l’épreuve de l’obscurité, comme Jean.
Dans ce passage d’évangile, comme dans beaucoup d’autres, Jésus nous déroute, nous déplace. Il ne répond pas aux questions qu’on lui pose, mais par contre, il en pose beaucoup à ses interlocuteurs. Jean ne sait pas trop quoi penser de lui. Jésus ne correspond pas au profil qu’on se faisait du messie à l’époque. Quand on lui demande s’il est le messie tant attendu, Jésus répond par citation interposée. Le passage qu’il cite est extrait du livre du prophète Isaïe. Les aveugles voient, les sourds entendent, etc. C’est une façon de dire : « Regardez les signes, ils parlent d’eux-mêmes ». Quand Philippe dira à Jésus : « Montre-nous le Père », celui-ci lui répondra : Si vous ne croyez pas ma parole, croyez du moins à cause de ces œuvres. En vérité je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais ; il en fera même de plus grandes, parce que je vais au Père (Jn 14,11-12).
Jésus, donc, nous pose des questions. Quand nous nous demandons s’il est bien celui qui doit venir dans notre vie, le Maître nous provoque, comme cette foule curieuse, venue observer ce qui se passe. Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? C’est un peu comme si je vous posais la question : « Qu’êtes-vous venus voir chez les moines aujourd’hui ? Circulez, il n’y a rien à « voir », si ce n’est de prendre part au royaume de Dieu qui souffre violence. Seul le Christ importe. Jean le Baptiste, lui qui est le modèle des moines, est un témoin qui cherche en tâtonnant, qui avance dans la nuit de la foi, du fond de sa prison.
Qui que nous soyons, il nous faut préparer le chemin du Seigneur, être un témoin joyeux comme Jean, l’ami de l’époux, qui agence la table du festin des noces. Notre joie devrait être de savoir le Maître à nos côtés, mais si nous ne sentons pas toujours sa présence. La période de l’avent est bienvenue pour nous laisser le temps de voir le Christ venir de loin. Comme le dit Balaam dans une prophétie : Je le vois, mais ce n’est pas pour maintenant ; je l’observe, mais non de près. De Jacob monte une étoile, d’Israël surgit un sceptre (Nb 24,17). Le fait que le Messie vienne de loin implique une démarche de confiance de notre part. Je ne le connais pas encore très bien. Il me faut « cheminer dans la foi, non dans la claire vision » (cf. 2 Co 5,7). Il vient, et je vais à sa rencontre. Le visage encore flou se fait de plus en plus net. Un jour, nous le verrons face à face, en pleine lumière. Un bonheur sans fin illuminera notre visage. Cette démarche du doute à la foi, des ténèbres à la lumière, les deux lectures nous y invitent également. Mettre sa confiance en quelqu’un se fait progressivement. Isaïe nous encourage : Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu ». Et l’apôtre saint Jacques dans sa lettre : Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche.
Amounah. Amen. Ces deux mots proviennent de la même racine hébraïque qui signifie la vérité, la confiance, la fidélité, ce qui est ferme dans la foi. Nous sommes des aveugles et nous avons besoin de voir, des sourds et nous avons besoin d’entendre, des boiteux et nous avons besoin de marcher. Il nous manque quelque chose ; il nous manque la foi en Dieu et en son amour, pour que nous soyons pleinement heureux. Si nous savions le don de Dieu (cf. Jn 4), si nous connaissions ne serait-ce qu’un tout petit peu celui qui nous aime inconditionnellement, alors nous serions dans le Royaume de Dieu. Et ce Royaume est tout proche ; il est au milieu de nous, en nous. Il nous appartient de chercher le Christ qui grandit à l’intérieur de nous. Pour cela, il nous faut diminuer, lui laisser la place et nous abandonner à lui.
Frères et sœurs, le Juge est à notre porte, comme dit saint Jacques. Mais n’ayons pas peur. Car Dieu est un Juge qui va rétablir toute chose avec équité et miséricorde. La souffrance et la mort n’existeront plus dans le Royaume de Dieu. Il n’y aura plus de manque ni de douleur. Les vallées de l’humilité seront comblées, les collines de l’orgueil abaissées. En ce monde déjà, nous pouvons hâter le Royaume en travaillant aux œuvres de Dieu, en promouvant la justice en faveur du petit et de l’exclu, en annonçant l’évangile aux pauvres. Amen. Ayons foi dans le Seigneur qui peut faire toute chose nouvelle.
Fr. Columba
Abbaye Saint Benoît d'En Calcat - 81110 DOURGNE