Dans une de ses lettres adressées à son ami Francis Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway écrivait : « Pour moi le paradis devrait être une vaste arène avec moi occupant deux places de barrera, et une rivière à truites à l’extérieur de ladite arène dans laquelle personne d’autre n’aurait le droit de pêche, et deux jolies maisons en ville : l’une où j’aurais ma femme et mes enfants et les aimerais fidèlement et bien et l’autre où j’aurais mes neuf ravissantes maîtresses chacune à l’un des neuf étages (…) Il y aurait une belle église comme à Pampelune où je pourrais aller me confesser en allant d’une maison à l’autre. »
Frères et sœurs, chacun de nous a une image du paradis, du ciel. Chacun de nous essaie d’imaginer comment sera notre vie après la mort. Les saducéens qui sont venus interroger Jésus au sujet de la résurrection avaient, eux aussi, une image de la vie après la mort. Leur question avec l’histoire d’une femme qui avait sept maris montre que pour eux le ciel serait une simple prolongation de la vie terrestre. Le ciel à l’image de la terre. Cela leur semblait ridicule et c’est pour cela qu’ils rejetaient l’idée de la résurrection, l’idée d’une vie après la mort. Mais, une chose curieuse, ils n’ont pourtant pas rejeté la pratique, des rites, des cérémonies. Ils étaient pratiquants, mais non-croyants, comme on le trouve parfois aujourd’hui parmi les chrétiens…
Jésus leur répond que déjà Moïse, à qui ils font appel, a témoigné que Dieu est non seulement Dieu vivant, mais aussi Dieu des vivants et pas des morts. Jésus précise que ceux qui sont morts « ne peuvent plus mourir », c’est-à-dire qu’ils vivent, « ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection ». C’est un sémitisme pour dire qu’ils sont ressuscités, qu’ils sont divinisés. Les morts ressuscitent donc pour une vie nouvelle. Mais Jésus ne précise ni comment ils ressuscitent ni comment exactement se passe la vie après la résurrection. Cela reste un mystère.
Le « mystère » justement, c’est insupportable pour l’homme rationnel du XXIe siècle. Pour lui, qui est si confiant dans la science, dans sa raison, le mystère n’est qu’une énigme, un problème qui sera résolu un jour. L’homme d’aujourd’hui n’attend plus la vie éternelle de Dieu, mais de la science, de la médecine, de la nonotechnologie, du transhumanisme. C’est devenu un grand projet de la science : apporter à l’humanité la vie éternelle, la vie prolongeable à l’infini. Selon certains chercheurs, en 2050 certains hommes pourraient devenir a-mortels, non pas immortels, parce qu’ils pourraient toujours mourir d’une maladie ou d’une blessure, mais a-mortels : en l’absence de traumatisme fatal, leur vie pourrait être prolongée à l’infini. Vivre 930 ans comme Adam (Gn 5,5), 950 ans comme Noé (Gn 9,29) ou même 180 ans comme Isaac (Gn 35,28), pourquoi pas ? N’empêche, qu’un jour, l’homme meurt. La mort n’est pas seulement un problème technique, elle reste un mystère.
Tout à l’heure nous allons réciter le Credo et nous allons proclamer notre foi à la résurrection, non seulement à la résurrection du Christ, mais à notre propre résurrection : « je crois… à la résurrection de la chair, à la vie éternelle » (Symbole des apôtres), « Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie », « J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir » (2x Symbole de Nicée-Constantinople).
Proclamer sa foi à la résurrection, ce n’est pas seulement croire à la vie après la mort, c’est aussi croire à la vie ici-bas, à la vie qui vainc la mort, qui vainc ce qui est morbide, ce qui nous détruit. Croire en Dieu vivant, croire à la résurrection, c’est déjà ici-bas passer de la mort à la vie, c’est croire que notre vie est voulue et aimée par Dieu, c’est prendre conscience que nous sommes créés pour vivre vraiment pour Dieu et avec lui. Comme disait Paul Claudel : « Notre résurrection n’est pas toute entière dans le futur, elle est aussi en nous, elle commence, elle a déjà commencé ».
Frères et sœurs, que le Seigneur nous aide à aimer notre vie, à choisir ce qui nous fait vivre, à vivre la résurrection dès maintenant.
fr. Maximilien
Abbaye Saint Benoît d'En Calcat - 81110 DOURGNE