Voici la demeure de Dieu avec les hommes
Il demeurera avec eux…Dieu lui-même sera avec eux.
Avec, avec, avec…le texte insiste : Dieu est avec nous, c’est son nom Emmanuel comme nous le chantons à Noël ; cette insistance, bien sûr, nous invite à être avec lui, ou plus exactement à rester avec Lui.
Si, comme nous le croyons, tout vient de Dieu, la création toute entière, avec l’homme qui en est son sommet, disent la gloire de Dieu, comme toute œuvre réussie dit la grandeur de son auteur, de l’artiste qui l’a conçue et réalisée. Mais, alors que la création ne peut que se recevoir de Dieu, comme toute œuvre se reçoit de celui qui la crée, l’homme, sommet de la création, parce qu’il est libre, peut refuser de (se) recevoir, peut prendre ses distances. C’est exactement ce que Judas fait ici.
Jésus, en qui Dieu a pris notre humanité pour être avec nous, et pour, avec lui et en lui, la ramener à son Père, vient de tendre la bouchée à Judas (geste par lequel celui qui invitait honorait son hôte). Il sait pourtant que celui-ci a déjà décidé de le livrer ; ce geste est sa dernière parole, pour se le concilier, sa main tendue pour la dernière fois. Judas prend la bouchée , mais ne la reçoit pas ; ce faisant il anticipe déjà le baiser par lequel il désignera Jésus à ceux qui viennent l’arrêter, à ceux avec qui il s’est solidarisé pour le trahir, et cette fois-ci pas seulement dans son cœur.
La Jérusalem nouvelle, demeure de Dieu avec nous et demeure où l’homme est(sera) avec Dieu, peut se passer de l’éclat du soleil et de celui de la lune, nous dit un peu plus loin l’Apocalypse, car la gloire de Dieu l’illumine et l’agneau lui tient lieu de flambeau (21,23) ; quand l’homme refuse d’être avec, quand il refuse de recevoir ce que Dieu lui propose, il entre dans la nuit, se fait « avaler » par elle : Aussitôt la bouchée prise ,Judas sortit. Il faisait nuit (Jn 13,30).
Judas, sorti, alors que la nuit de la trahison et de la passion qui approche allonge ses ombres, Jésus, lui, continue de faire ce pourquoi il est venu dans le monde et ce pour quoi il va mourir, rendant gloire ainsi à son Père ; il continue de répandre la lumière de sa tendresse et de son amour ; Jésus se fait encore plus proche – si l’on peut dire – de ceux avec qui il est, de ses disciples, de nous ! Quel que soit le péché de l’homme, Dieu persiste dans son projet : comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ; pourquoi ? Parce que le commandement que nous laisse le Seigneur est ce qui peut « réellement » faire toutes choses nouvelles en nous et autour de nous. « Etre avec » c’est « être pour » jusqu’au bout, sans se laisser arrêter par les refus, c’est aimer ; rien ni personne ne peut nous séparer de l’amour de Dieu, sinon nous-mêmes.
Toutes les pérégrinations et les initiatives apostoliques décrites dans la première lecture, peuvent se lire comme les conséquences, comme les effets, les reflets à l’infini et sous des formes toujours nouvelles de l’unique salut qui nous vient de la résurrection, qui n’est, elle-même que le résultat de l’amour pour nous et pour son Père, vécu jusqu’au bout par Jésus quand il était avec nous, et qui, comme il nous l’a promis reste avec nous jusqu’à la fin du monde. Ce chemin jusqu’à la réalisation totale de la Jérusalem céleste, où tous les hommes ne pourront plus rien refuser à Dieu, parce qu’ils le verront tel qu’il est, est encore et toujours devant nous. Allons-nous, voulons-nous le parcourir jusqu’au bout?
P. Thierry
Abbaye Saint Benoît d'En Calcat - 81110 DOURGNE