Scandale dans cet évangile que nous venons d’entendre. Scandale séculaire d’un Père Tout-Puissant laissant mourir son Fils sur une croix. Pourquoi fallait-il ? La plupart des explications théologique, au long des âges, n’ont-elle pas réussies seulement, à maquiller le visage de ce Père terrible et intransigeant qui a voulu la mort du Fils ?
Nous sommes complètement désorientés. Peut-être faut-il d’ailleurs que nous le soyons…
Mais notre bonheur aujourd’hui, bonheur de Pâques, déjà, n’est-ce pas de pressentir qu’il faut, finalement, changer de Dieu. Qu’il faut désormais lui donner non pas ce visage de maître qui tire les ficelles de l’histoire, mais plutôt le découvrir comme Amour fragile et désarmé, comme Tout-Amour.
Est-ce que l'amour impose ? Est-ce que l'amour peut contraindre ? Est-ce que l'amour peut menacer ? Est-ce que l'amour peut punir ? Non ! L'amour ne peut que s'offrir, l'amour ne peut qu'attendre, et donc le seul chemin pour l’Amour c’est celui du risque d’un échec. Et si échec il y a, comme dans la Croix, c’est bien que l’Amour a continué d’être l’Amour, que Dieu est resté fidèle à Lui-même. Frères et sœurs, c’est bien une victoire !
Le Fils comme le Père donne tout. Et ce Fils ressuscité trois jours plus tard, nous le verrons aussitôt apparaître aux femmes, aux disciples, rattraper ces pèlerins d’Emmaüs, et donner l’Esprit Saint, sans une once reproche, avec à la bouche essentiellement deux mots : Paix et Pardon. L’Amour est grand vainqueur.
Jésus nous révèle le vrai visage de Dieu : un Dieu qui nous est confié, un Dieu qui nous attend chacun au plus intime de nous-mêmes, un Dieu qui peut mourir parce que, justement, il est Amour et que nos refus d'amour ne peuvent que l’atteindre, le crucifier.
Je vous propose de vivre cette Semaine Sainte simplement en le regardant, Lui, Amour désarmé, à la merci d’un refus. Apprenons de ce regard sur Lui posé, que le mal, c'est de coller à soi en refusant d'aimer ; que le seul bien, la seule joie, c’est de quitter notre petit univers personnel et étroit en regardant l’Amour, déjà au-dedans de nous, si large au-dedans de nous, et qui prend le risque, parce qu’il est l’Amour, de nous attendre.
fr. Emmanuel
Abbaye Saint Benoît d'En Calcat - 81110 DOURGNE