Nous regardions l’Enfant, l’Enfant-Dieu, nous le regardions dans sa crèche, étonnés, émerveillés, nous l’adorions, et voilà que nous déplaçons le regard, lentement, très lentement, mais inexorablement. Et voilà que nous regardons maintenant la Mère : Marie, Mère de Dieu.
Oui, c’est Marie qui a permis cette merveille, une femme pleinement humaine et charnelle, pas un être divin, pas une déesse descendue du ciel, mais une femme de la terre et de l’histoire, une jeune femme de Palestine, un jour du temps, il y a un peu plus de deux mille ans.
Si la Vierge Marie a une telle importance dans le christianisme, c’est pour nous empêcher de décoller, pour nous garder les pieds bien ancrés dans la terre, dans l’humanité, l’esprit bien ancré dans la chair : tout cela se passe ici, chez nous, à portée de mains, de voix, de témoignage. C’est à cause d’elle que la dimension historique prend un poids considérable : l’histoire des hommes est devenue sainte. La théologie ne suffit pas : ce qui la rend crédible, c’est d’être plantée dans le réel, dans l’humus de l’histoire et de la géographie ; sans cette implantation historique, le grand arbre de la théologie, si beau soit-il, se dessècherait et finirait par périr, comme une mythologie de plus, périssable.
Que se passe-t-il quand le regard se déplace de Jésus vers Marie, de l’Enfant vers la Mère ?
Nous regardions Dieu le Créateur venu se faire homme parmi les hommes, et nous contemplons maintenant la contrepartie incroyable de cette affirmation, incroyable et pourtant déjà contenue en elle : la créature humaine rendue capable de Dieu, la créature humaine à l’œuvre pour faire advenir Dieu dans le monde, capable de mettre au monde Dieu. Et les mots doivent prendre leur sens le plus plein : « Marie Mère de Dieu » ! Quel énorme poids d’espérance est lié à ce titre ! De quoi l’homme ne devient-il pas capable ? Oui, « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ».
Frères et sœurs, voyez-vous comment fonctionne une telle promesse ?
Cette venue d’un Messie, cette venue du Christ, c’était, pour le petit peuple d’Israël, la Promesse par excellence, plus excellente que tous les succès humains, et puis, quand se réalise cette Promesse, quand vient le Messie, voici que la Promesse redouble, de façon complètement inattendue ! Car il n’est pas venu non plus sur le mode où on l’attendait, il n’est pas venu dans le bruit et la fureur, dans la revanche d’un Dieu justicier. Il est venu comme le Roi de la paix, non pas en l’imposant par sa propre force, mais en rendant l’homme lui-même capable de cette paix, capable de toute réconciliation, capable de communion.
A cause de cela, c’est à nous maintenant de lui promettre !
Au seuil de cette nouvelle année, les défis ne manquent pas, à l’échelle planétaire, à l’échelle d’un pays, d’une région, d’une commune, d’une communauté. Mais faire la paix aussi et d’abord avec soi-même, seul moyen de rendre la paix aimable et contagieuse.
Que la Reine de la paix nous aide à conquérir sur nous-même un peu d’empire, elle qui restait silencieuse et attentive au milieu du tourbillon de louanges et de paroles des bergers exaltés. Amen.
frère David
Abbaye Saint Benoît d'En Calcat - 81110 DOURGNE