Frères et sœurs, de quoi rêvez-vous le plus souvent ? Que désirez-vous dans votre vie actuelle ? Une nouvelle maison ? La bonne santé ? La réussite de vos enfants ? Le repos, des vacances ? Un salaire 100 fois plus grand qu’actuellement ? Si vous regardez d’un peu plus près vos pensées, vos désirs, vos rêves, vous verrez où cherchez-vous votre bonheur, où cherchez-vous la vie.
Les Grecs, dont nous parle l’évangile d’aujourd’hui, qui sont venus à Jérusalem pour « adorer Dieu pendant la Pâque », ont aussi un rêve, un désir. « Nous voudrions voir Jésus », disent-ils à Philippe de Betsaïde, un de disciples de Jésus, qui porte le nom grec et qui est originaire d’une ville proche de la frontière avec la Grèce.
« Nous voudrions voir Jésus ». Voir Jésus. Bien sûr, il ne s’agit pas seulement de l’apercevoir de loin, comme le pape dans sa papamobile, ou comme à la télé. Il s’agit d’une rencontre, d’une rencontre personnelle et en profondeur, d’une rencontre face à face, cœur à cœur.
Mais pourquoi veulent-ils voir Jésus ? Qu’est-ce qu’ils attendent de lui ? Le texte ne le précise pas. Sans doute, ils croient que la rencontre avec Jésus va leur apporter quelque chose, quelque chose de précieux, le bonheur, la sagesse, la vie, un sens à leur existence. Il y a des rencontres qui changent radicalement nos vies, qui changent leur qualité, qui les mettent sur un autre niveau. Il y a des rencontres qui apportent la guérison, qui apportent des réponses, la lumière, la sagesse, la quiétude.
Jésus répond à la demande des Grecs. Cependant, sa réponse peut nous apparaître, comme souvent chez lui, un peu provocatrice.
Tout d’abord, il leur révèle sa divinité et sa mission, ce pourquoi il est venu. Mais il ne se révèle pas comme un dieu tout-puissant, plus fort comme tous, comme Zeus ou Poséidon, comme des dieux grecs. Il se compare à un grain de blé qui doit mourir pour fructifier : « si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Il parle donc de sa mort. Il va souffrir et mourir sur la croix et le troisième jour, il ressuscitera. Lui, qui est venu célébrer la Pâque juive, il va faire sa Pâque. Le grain qui meurt, apporte du fruit, engendre de nouveaux grains. Dans cette optique, la mort n’est plus une tragédie. Elle devient une expérience vivifiante, qui donne la vie, qui donne du fruit.
La mort de Jésus est aussi le lieu de sa glorification. C’est une glorification paradoxale, car elle passe par la croix, par la mort. La gloire de Dieu se cache dans ce qui semble être son contraire : la croix, l’arbre de la mort, devient l’arbre de la vie ; Golgotha, le lieu de la malédiction, devient le lieu de la bénédiction, du salut ; le lieu de la haine devient le lieu où se révèle l’amour infini de Dieu pour nous. Le Dieu humble, le Dieu dépouillé, abaissé jusqu’au néant, le Dieu qui nous aime jusqu’au bout, il est glorifié sur la croix, et il embrasse l’univers entier par ses mains étendues. Nous sommes loin ici des dieux rusés des païens qui se battent entre eux pour acquérir un peu plus de pouvoir et dominer les autres.
Jésus se révèle donc aux Grec comme Dieu qui se donne totalement, et qui, en se donnant, sauve tous les hommes. Il dit : « quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ». Cela veut dire que tous les hommes, nous tous, nous sommes unis avec le Christ dans sa mort, dans sa résurrection, dans sa glorification. Comme le dit S. Athanase dans son Traité sur l’Incarnation du Verbe : « Il nous a emporté vers le ciel avec son propre corps » (n° 25). Nous avons une place qui nous attend dans le ciel.
La mort, elle peut nous faire peur, elle peut nous angoisser, comme elle l’a fait à Jésus (« Maintenant mon âme est bouleversée », littéralement « troublée »). La mort est un passage par la kénose, par un dépouillement, elle est l’expérience d’un « creux », mais le creux dans lequel le Père glorifie son nom, c’est-à-dire, il remplit totalement notre être de son amour inconditionnel, il nous libère du mal une fois pour l’éternité. Comme nous le promet Jésus : « Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ».
Frères et sœurs, voir Jésus c’est croire en lui, et croire en lui c’est le recevoir dans la terre de notre cœur comme un grain de blé, le grain mourant et ressuscitant, le grain d’amour, pour qu’il donne du fruit, pour qu’il donne un sens à notre vie et à notre mort, pour que notre vie devienne le moisson. Il n’est jamais trop tard pour accueillir l’amour.
fr. Maximilien
Abbaye Saint Benoît d'En Calcat - 81110 DOURGNE