Devant le mystère de Dieu, le secret de la vie de Dieu, on peut avoir bien des raisons de se sentir étranger, non concerné, comme devant une planète inconnue, loin de notre univers, ou comme devant des vivants d’une autre espèce, avec lesquels on ne peut pas essayer de communiquer, -et d’ailleurs avons-nous vraiment besoin de les connaître ou d’explorer cette planète ?
Mais voilà que de ce monde inconnu nous parviennent des signaux, des messages, nous faisant comprendre que si nous ne nous intéressons pas à Dieu, lui s‘intéresse à nous, qu’il cherche à entrer en contact avec nous, qu’il nous appelle à faire sa connaissance. Et ces avances de Dieu rencontrent en nous, il faut le reconnaître, une certaine attente, une orientation innée, un instinct profond par lequel nous nous sentons liés à lui, qui nous dit que pour vivre notre identité humaine dans toute sa réalité, nous avons à nous ouvrir à cette vie mystérieuse de Dieu.
Alors pour que nous n’en restions pas à une vague intuition, il est venu nous rejoindre, vivre parmi nous une authentique vie d’homme, afin de nous faire connaître sa vie divine, et de nous appeler à en faire nous aussi l’expérience. ‘Il’, c’est Jésus de Nazareth, Dieu à hauteur d’homme, Dieu à notre portée. Ce qu’il nous dit de lui-même, c’est qu’il est le Fils, qu’on ne peut l’identifier et le reconnaître que dans sa relation avec un père, le Père, vers lequel il est constamment tourné, ce Père dont il ne cesse de nous parler dans l’Évangile.
Ce Père de Jésus, il nous permet de l’appeler aussi notre Père, car il est la source de notre propre existence, et il veille sans cesse avec amour sur chacun de nous. tout en restant mystère inaccessible, Dieu au-delà de tout, provoquant à la fois notre adoration et notre confiance.
Et puis, pour nous ajuster peu à peu à Dieu, Jésus nous envoie un numéro 3, qu’il appelle l’Esprit. L’Esprit est Dieu, lui aussi, insaisissable et invisible, non parce qu’il est trop loin, mais parce qu’il est trop proche ; Dieu habitant en nos cœurs, nous animant de l’intérieur, nous inspirant les pensées, les désirs, les gestes qui nous font vivre en accord avec Dieu et collaborer avec lui pour réaliser son projet de sauver les hommes et acheminer le monde vers son achèvement.
Le Père, le Fils, l’Esprit : chacun des trois a sa manière propre de nous initier à la vie divine, et nous ne les connaissons qu’à travers ce que chacun d’eux fait pour nous et en nous. Nous les découvrons dans ce qu’ils font concrètement pour nous. Ce que nous pouvons percevoir du secret de leur vie à trois, c’est ce que Jésus nous en a montré. En mourant par amour pour nous, il nous révèle à la fois ce qui est le comble de l’amour, donner sa vie, et ce qui constitue l’être intime de Dieu, se donner. Dieu est amour, nous a dit s. Jean : c’est l’amour qui fait du Père, du Fils et de l’Esprit un seul Dieu, dans le don éternel que chacun des Trois fait de lui-même aux deux autres, et tous Trois à l’humanité entière qu’ils appellent à partager leur vie.
Cette vie de Dieu a beaucoup à nous apprendre sur notre propre vie, car Dieu nous a faits à son image, mais surtout, depuis notre baptême, la vie divine est installée au cœur de notre propre vie, instaurant en chacun de nous un lien personnel et diversifié avec chacune des trois personnes divines. Car nous n’avons pas été baptisés au nom ‘de Dieu’, mais ‘au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint’: engendrés par le baptême à la vie divine, nous entrons dans la famille de Dieu, dont nous recevons comme l’héritage génétique, une ADN spirituelle qui est essentiellement trinitaire, nous identifiant comme fils du Père, frères du Christ, demeure de l’Esprit.
Notre vie ne se réalise et ne donne toute sa mesure que si, comme celle de Dieu, elle est ouverture, communion, partage. Ce que nous cherchons de meilleur dans nos relations humaines, nous le voyons réalisé en perfection dans les relations qui animent les Trois : pouvoir donner aux autres sans toutefois les asservir, recevoir sans s’aliéner, s’abandonner à la confiance, communier tout en restant différents, voilà ce que peut faire l’amour.
En entrant par l’eucharistie en communion avec notre Dieu, nous sommes pris dans l’incessant mouvement de cet amour, qui se communique du Père au Fils, du Fils à ses disciples, dans l’Esprit Saint, et qui remonte à Dieu pour la gloire divine et pour notre joie. Amen.
Fr. Thomas
Abbaye Saint Benoît d'En Calcat - 81110 DOURGNE